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Détermination de la loi applicable à une succession internationale

Détermination de la loi applicable à une succession internationale

Publié le : 05/04/2024 05 avril avr. 04 2024


Un anglais résident au Royaume Uni décède laissant un immeuble en France. Peut-il le léguer uniquement à l’un de ses deux enfants, tous deux résidents et de nationalité britannique, à l’exclusion de l’autre ?
La même question peut se poser pour un américain résident aux USA.

En présence d’un bien immobilier situé en France, il y a lieu d'appliquer le Règlement européen dit « Successions » n°650/2012 afin de déterminer la loi à appliquer pour les successions à compter du 17 août 2015. Bien qu’il s’agisse d’une norme européenne, ce règlement est d'application universelle pour ses dispositions relatives à la loi applicable. Peu importe donc que l’étranger soit ressortissant d’un pays tiers à l’Union européenne. (Article 20)

Ce règlement prévoit la règle générale selon laquelle « la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès ». (Article 21 1.)
A titre exceptionnel, lorsque le défunt présentait « des liens manifestement plus étroits avec un État autre » que celui dans lequel il avait sa résidence habituelle au moment de son décès, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État. (Article 21 2.). Par exemple, si juste avant son décès le défunt avait un entamé un projet d’expatriation vers un autre pays matérialisé par l’achat d’un logement dans cet autre pays et la mise en vente de résidence habituelle en phase d’être vendue).

Le défunt peut également choisir dans un testament que la loi régissant l’ensemble de sa succession sera « la loi de l'État dont il possède la nationalité au moment où il fait ce choix, ou au moment de son décès ». (Article 22)
D’après le considérant 39 du Règlement, ce choix peut être exprès ou tacite. Dans ce cas, l’interprétation des dispositions testamentaires tacites relève de l’appréciation souveraine des juges. Peut être considéré comme un choix tacite la référence par le défunt à des institutions de droit successoral inexistantes en droit français (par exemple pour le droit de common law, la référence aux concepts de Trust, grant of probate, executors and trustees, residue, la références à certaines lois du pays...)

Le choix (exprès ou tacite) de la loi applicable par le défunt a pour conséquence d’empêcher la mise en œuvre du renvoi prévu par l’article 34 2. du Règlement.

Qu’est-ce que cette règle du renvoi ?

Il est fréquent que les lois successorales nationales prévoient que la loi applicable à la succession d’un bien immobilier soit celle du lieu de situation de ce bien. C’est le cas des règles de conflit anglaises et californiennes qui visent la loi française comme applicable s’agissant d’un immeuble situé en France.
Par exception, en cas de testament désignant expressément ou tacitement la loi anglaise, c’est donc cette dernière qui est applicable à l'ensemble cette succession, y compris s’agissant du bien immobilier situé en France.

Contrairement à la loi française qui prévoit une « part réservataire » légalement fixée aux héritiers du défunt (ce dernier ne pouvant librement disposer que de la « quotité disponible »), la loi anglaise (comme la loi de Californie, par exemple) permet à un parent de déshériter un de ses enfants.
En cas de choix exprès ou tacite du défunt anglais pour l’application de la loi anglaise, ce dernier pourra donc appliquer à la succession du bien situé en France, les dispositions testamentaires attribuant les droits sur le bien au seul enfant visé.

En l’absence de ce choix, la loi de résidence du défunt (la loi anglaise) aurait désigné par renvoi la loi française et les stipulations testamentaires auraient pu été écartées si elles avaient été considérées comme contraire à l’ordre public, au regard de l’ensemble des dispositions testamentaires, afin de respecter la réserve héréditaire française.
La loi n°2021-1109 du 24 août 2021 a inséré dans l’article 913 du Code civil un mécanisme permettant de protéger la part réservataire française. Appelé prélèvement compensatoire, il permet aux enfants déshérités par une loi étrangère de récupérer l'équivalent sur les biens de la succession situés en France, et s’applique dans les conditions suivantes :
  • Le défunt, ou au moins l'un de ses enfants, doit être ressortissant ou résident habituel d'un État membre de l'Union européenne au moment du décès,
  • La loi étrangère applicable à la succession ne doit pas prévoir de dispositions concernant la réserve héréditaire. Si la loi étrangère assure à chacun des enfants un droit sur une partie de la succession, le dispositif de prélèvement compensatoire sera inapplicable.
  • La succession doit comprendre des biens meubles (par exemple, des bijoux, des véhicules) ou immeubles situés en France sur la valeur desquels le prélèvement pourra être effectué.
Dans le cas d’espèce, le défunt et ses enfants ne sont ni ressortissants ni résidents habituels d’un pays de l’Union Européenne de sorte que le prélèvement compensatoire n’est pas applicable.

 

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